Nous sommes en 1865. Dans le Midi, près de Sète, quelques pieds de vigne se dessèchent d’un coup, mystérieusement. Rapidement, les scientifiques identifient la cause de ce mal : un petit puceron, arrivé d’Amérique, que l’on appelle Phylloxera, le « ravageur de vigne ».
Une fois le parasite installé, impossible de l’arrêter. Dans une France viticole alors à son apogée, à l’époque où Pasteur révolutionne les techniques de vinification, le Phylloxera vient s’abattre telle une plaie égyptienne. De 1860 à 1890, ce sont toutes les régions de l’Hexagone qui sont touchées, l’une après l’autre : le Midi provençal, le Bordelais, le Beaujolais, la Bourgogne en 1878, jusqu’à la Champagne en 1890. Ainsi, près d’un million d’hectares de vigne sont décimés par la maladie, et des milliers de viticulteurs sont ruinés.
La science ne pouvant rien faire, plusieurs traitements sont essayés : submersion hivernale des ceps, traitement à base de sulfure qu’on nomme le « sulfatage »… en vain.
À la fin du XIXe siècle, les vignerons sont presque résignés, c’en est quasiment fini du vin français. Lorsque soudain, Planchon, découvreur du puceron, remarque que certains plants américains sont résistants au parasite, comme Vitis Labrusca. Il lance un mouvement : l’américanisme.
Cela consiste à utiliser des cépages venus d’outre-Atlantique… en France. L’opération n’est pas un franc succès. On décide alors de greffer les variétés européennes sur des pieds américains. Et là, miracle ! Les porte-greffes fonctionnent à merveille, et le vignoble repart de plus belle, le tout, avec du raisin bien français.
L’épidémie aura tout de même causé un vrai bouleversement économique, avec l’abandon de sols consacrés au vin, la désertification de villages et la perte de marchés extérieurs. Mais, parallèlement, la replantation de la vigne avec des ceps « hybrides » a donné naissance à la viticulture moderne, mieux organisée, avec un rendement largement supérieur à celui d’avant la crise. Et le greffage aura même permis d’obtenir de meilleurs vins…